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Nov 30

La ligne Bleue

« Ethique » : (adjectif) qui concerne la morale.

Certains, parmi vous, ont sans doute vu « La ligne verte » ou « La ligne rouge ». Chaque fois il est questions d’hommes qui, portés par un groupe ou les désirs d’une hiérarchie, buttent sur une question essentielle : l’éthique. Dans l’un, « la ligne verte », les matons d’une prison n’arrivent pas à se faire à l’idée de conduire à la peine de mort un autre homme d’évidence innocent. Dans l’autre, « La ligne rouge », des soldats n’en peuvent plus d’aller à l’assaut d’une colline, de la gagner, de la perdre, de la gagner à nouveau, de la perdre encore. Car chaque fois des dizaines, des centaines en payent le prix de leurs vies.

Comme il est certain que parmi vous beaucoup voient ces médecins qui soignent aussi bien le riche que le pauvre. Comme nous voyons tous comment quelques-uns vont sur des terrains de guerre, ou bien d’épidémie. Comment ils respirent un air infecté avec pour simple protection un masque, comment ils injectent protégés par un gant si fin un vaccin. Ils ont fait un serment : l’éthique.

En politique l’éthique consiste à mettre en acte ses mots. Aussi aurait-il été éthique de voir une aile gauche du parti socialiste, après avoir décrié une règle d’or dénoncée pour être la quintessence de la pensée de droite la plus libérale et la plus réactionnaire, ne pas voter la loi organique qui rend possible son exécution. Tout comme il aurait été éthique de voir cette même aile gauche du parti socialiste, qui a tellement dénoncé l’ANI, tellement promis des amendements en pagaille qui feraient rendre le texte acceptable, ne pas se contenter d’une abstention sur un texte qui n’a pas bougé d’une ligne.

Enfin, il aurait été tellement éthique de voter contre l’allongement de la durée de cotisation le jour même où un grand patron se voyait versé 21 années de salaires pour indemnités. Cette réforme des retraites fait mécaniquement monter l’âge de départ en retraite à 66 ans. Elle fait donc payer aux classes populaires l’addition de l’austérité plutôt qu’aux grandes richesses du pays. Au lieu de cela, la gauche du PS a largement voté pour alors qu’elle manifestait dans la rue il n’y a pas si longtemps pour sa non application. Il y a pire encore. Certains députés de la « gauche » du PS ont été absents de l’hémicycle, à l’instar d’un Jérôme Guedj, leader de « Maintenant la Gauche » ou d’un Mathieu Hanotin, cadre d’Un Monde d’Avance.

MLG et UMA, les deux ailes rouges du PS parait-il. Imaginez la démission que cela représente. Imaginez-vous le jour d’une action importante au travail et vous faire porter pâle à la dernière minute. Imaginez un chirurgien qui, face à la complexité du geste qu’il a à accomplir, décide d’abandonner le bloc opératoire et laisse en plan ses collègues et surtout son patient. Car leur métier est d’être députés de gauche, leurs « patients » sont les classes ouvrières, populaires et moyennes.

S’ils ont agi ainsi, ces députés de la gauche du PS, c’est qu’ils savent qu’ils franchissent depuis plus de 18 mois maintenant la ligne. Cette ligne est bleue, ce bleu de la droite qui triomphe de voir son programme appliqué à la lettre par un gouvernement de « gauche », lui-même soutenu par ses députés de « gauche ». Cette droite qui triomphe d’entendre ses mots sortirent de la bouche de ministres de « gauche » là sur les Roms, ici sur la sécurité. Mais on ne franchit pas aussi facilement la ligne, on ne s’arrange pas aussi aisément avec l’éthique. Alors on parle contre le fascisme, alors on marche contre le fascisme, alors on fait le buzz du fascisme dans l’espoir qu’à la fin le duel se fera entre la « gauche « et le fascisme. Dans l’espoir d’un vote républicain salvateur. Il est vrai qu’avec 15 % d’opinions favorables, la tentation est grande de jouer avec les allumettes persuadés que l’on est d’en garder le contrôle. On fait comme dans les années 80 ou 90, sauf qu’on est en 2013. Sauf qu’il y a eu 2008 et la crise de surproduction qui a généré la crise financière pour finalement être dans une crise économique et sociale systémique. Certains se souviennent dès lors de leurs cours d’histoire. Ils savent qu’elle ne se répète jamais à l’identique. Mais comme nous ils ne peuvent chasser de leur esprit cette crise de 1929, sa surproduction, son effondrement économique majeur, sa crise monétaire éclatante comme une bombe, la montée du fascisme et la suite inutile de vous la préciser. Alors les joueurs d’allumettes doivent se rendre compte qu’à côté d’eux il y a aussi la bombonne de gaz, elle est là, prête à exploser.

La ligne bleue est également franchie localement, par tellement de communes qui ont à leur tête un maire de « gauche », sympa. Ici, il vidéo surveille. Là il négocie avec les copropriétaires un réaménagement complet de l’espace urbain public et transforme un quartier entier en résidence privée. Ou encore là, il arme sa police municipale de balles pour de vrai, des balles qui peuvent tuer. Il y a 10 ans, ce maire n’aurait tout simplement pas pu être au parti socialiste…Aujourd’hui, il y en a plein en France des comme ça qui, l’air de rien, d’aspect vraiment sympa, ont également franchi la ligne bleue.

Alors on pense à ce médecin installé dans les beaux quartiers. On sonne à sa porte. En face de lui un patient, mal en point. Le médecin le questionne et lui demande la nature de sa couverture maladie. Le malade répond, gêné et humilié d’être ainsi potentiellement trié, « CMU ». Le médecin des beaux quartiers lui lâche alors sans retenu : « désolé Monsieur, on ne mange plus de ce pain-là ». Et on se dit que ce médecin a franchi la ligne, celle du serment qui faisait qu’il avait une éthique.

Jeudi 28 Novembre 2013  Sydné 93
lien ver l’article original : A GAUCHE POUR DE VRAI
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