Les élections européennes seront-elles pour la gauche un tombeau ou un berceau ? Les deux, mon capitaine ! Un tombeau, voilà ce qui semble le plus évident. Nous avons désormais du recul pour contempler le lent étouffement de la gauche organisé par les institutions européennes. Au sein de l’Union, sa composante principale, le courant social-démocrate, se confond désormais avec la droite avec qui elle gouverne directement dans 18 Etats-membres. Or c’est au sein du Parlement européen que l’ensemble des partis sociaux-démocrates font l’apprentissage quotidien de cette cogestion avec la droite. Au cours du travail parlementaire, ils élaborent de fait un programme commun avec elle. Ils acquièrent peu à peu des analyses, un vocabulaire, jusqu’à des manières d’être communes. Mais tout ceci ils ne peuvent l’assumer devant le peuple. Le jeu politique de l’Union, fait d’arrangements diplomatiques et d’équilibre entre lobbies, n’est pas traduisible dans la langue citoyenne qui est celle de l’intérêt général. D’où ce spectacle absurde : la démocratie européenne connaîtrait son grand progrès avec le duel de Juncker avec Schulz… qui est aussi l’élu de la droite ! En effet, même les eurodéputés UMP, qui s’y refusent quand la question leur est posée en France au nom du Front Républicain, ont voté pour Schulz à la présidence du Parlement européen, dans le cadre du tourniquet organisé entre les deux blocs. On comprend que l’électorat de gauche s’y perde.
Mais les élections européennes sont aussi à l’inverse un acte de naissance pour la gauche. Le Front de Gauche naissant a été porté sur les fonds électoraux en 2009. Le 25 mai, ce sera d’ailleurs la première fois que le Front de Gauche affronte une élection qu’il a déjà disputée. Quel sera le verdict des urnes ? Dans la crise politique avivée par le résultat des municipales, tout est possible. A gauche le bloc électoralement majoritaire ne le sera sans doute plus. Le PS a déjà intégré sa défaite. Aucun de ses dirigeants n’est prêt à courir devant et risquer d’endosser la responsabilité du bouillon qui s’annonce. Fait nouveau, dans tous nos meetings nous rencontrons des militants socialistes qui ont décidé de voter pour nous. D’autres voteront pour les Verts. Les divergences sont suffisamment claires pour permettre un choix éclairé entre les « meilleurs gardiens des traités » (dixit Bové) et nous qui voulons en sortir. Au soir du 25 mai, avec les Verts nous serons sans doute majoritaires à gauche. Le PS devra donc bouger comme Cambadélis a commencé à le faire sur le plateau de Médiapart la semaine dernière en faisant mine de tourner la page de la primaire socialiste qui a investi François Hollande. D’autant que la signification du vote Front de Gauche sera claire : la rupture avec cette Europe austéritaire qui constitue le dernier cadre d’un pouvoir perdu.
Dimanche prochain sera donc le moment d’un grand craquement. L’effondrement du parti majoritaire au Parlement européen, parce qu’il s’ajoute au départ des Verts et à la contestation montante en son sein, marquera un tournant. Tout est fait pour que l’extrême-droite soit présentée comme la gagnante du scrutin face à cette dégringolade, venant ainsi renforcer les partisans de l’alliance des raisonnables contre les extrémistes, populistes et autre anti-européens. Le FN sortira sans doute renforcé du vote. Mais il ne sera pas seul dans ce cas. La percée du Front de Gauche ferait des européennes un moment de renaissance de la gauche. Ce résultat est plus que jamais à notre portée.