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Fév 21

Délit de blasphème en Alsace c’est la République en danger !

 Ce lundi 17 février, un bien curieux procès s’est ouvert devant le tribunal correctionnel de Strasbourg. L’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, qui avait titré en une : « Le Coran, c’est de la merde ; ça n’arrête pas les balles. », est poursuivi en justice pour … « blasphème ».

Ecartons d’emblée un faux débat : la question n’est pas de savoir si la une de Charlie Hebdo était drôle ou de bon goût, chacun est libre d’avoir son avis sur ce point. La question est : peut-on, dans le pays de la loi de 1905 relative à la séparation des Églises et de l’État, être condamné pour « blasphème » ? Non, et la justice française laïque déboute régulièrement les groupes religieux qui, devant les tribunaux, attaquent la liberté d’expression au nom de la défense de leur religion.

Car si les tribunaux français sanctionnent « l’injure, l’attaque personnelle et directe dirigée contre un groupe de personnes en raison de leur appartenance religieuse » ou l’incitation à la haine raciale ou religieuse, ce qui justifie, par exemple, que tel prétendu « humoriste » médiatisé puisse faire l’objet de poursuites pour incitation à la haine raciale, en droit français la liberté d’expression ne peut pas être limitée au nom d’une croyance.

Depuis la Révolution française -par les articles 10 et 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789- il n’y a pas d’hérétique en République ! Et si le délit de blasphème fut réinstauré sous la Restauration il fut définitivement supprimé par la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse. Par conséquent, nul ne peut – ou plus exactement ne devrait pouvoir – être condamné en France pour blasphème. Fin du débat ? Pas exactement…

Pas exactement, parce qu’il existe sur le territoire de la République des endroits dont l’Alsace-Moselle, où le principe de laïcité est allègrement piétiné.… D’après l’article 166 de ce code pénal local, hérité de la législation allemande : « Celui qui aura causé un scandale en blasphémant publiquement contre Dieu par des propos outrageants, ou aura publiquement outragé un des cultes chrétiens (…) sera puni d’un emprisonnement de trois ans au plus. »

Aujourd’hui l’exception juridique d’Alsace-Moselle permet à ceux qui ont entamé cette procédure de tenter de faire condamner Charlie Hebdo. Mais, avec cette procédure déposée à Strasbourg, ils cherchent de fait à créer une jurisprudence pouvant déboucher sur une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) visant à mettre l’Etat dans l’obligation de réformer la loi de 1905 de séparation des Eglises et de l’Etat. C’est tout l’enjeu de ce procès. IL ne vise pas simplement Charlie Hebdo, il vise la République laïque !

Les initiateurs de cette plainte croient pouvoir remporter une victoire pour leur religion mais si le journal satirique était condamné, c’est l’intégrisme catholique aujourd’hui à l’offensive sur de très nombreux terrains contre la République (contre la loi ouvrant le mariage civil aux couples de mêmes sexes, contre l’école publique et son programme en faveur de l’égalité entre les femmes et les homme) qui se servirait de ce jugement pour attaquer et faire que leur liberté religieuse et pas celle des autres prime sur les droits des citoyens.

Face à la montée des revendications intégristes et communautaristes, il est urgent de mettre fin au Concordat et du droit au blasphème. Parce que tous les intégrismes et conservateurs se servent aujourd’hui de cette faille laissée grande ouverte pour attaquer la République laïque, il y a urgence à mettre fin à cette intolérable exception au droit commun que constitue le système des privilèges au profit de certains cultes en Alsace-Moselle.

C’était d’ailleurs l’une des dispositions qui figuraient dans la proposition de loi–cadre sur la laïcité que le Parti de gauche avait déposée au Sénat en 2011. Il était prévu de supprimer le régime des cultes et le délit de blasphème en Alsace-Moselle. Ces propositions sont plus que jamais d’actualité.

Tiens, et si le président de la République et son Gouvernement les reprenaient ? Voilà qui serait plus utile que d’aller faire des génuflexions au Vatican ou d’aller proférer des blagues vaseuses auprès d’instances communautaristes… Mais les solfériniens ont choisi leur camp : celui du clientélisme religieux communautariste.

Le nôtre, celui de la gauche républicaine et laïque, c’est celui de l’égalité de tous les citoyens devant la loi, celui de la lutte contre l’obscurantisme et les fanatismes, celui de la Raison et des Lumières au service du Bien commun !

 

Jeudi 20 Février 2014  Pascale Le Néouannic et Marc Duval
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