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Déc 18

Au nom du Front de Gauche

1er décembre, Marche pour la Révolution fiscale Voilà plusieurs semaines que je suis privé de blog, la faute à un problème de serveur. Ce problème enfin résolu, c’est le bon moment pour reprendre le clavier.

En commençant évidemment par Madrid. Madrid où se tenait le congrès du PGE. J’ai d’autant plus envie d’écrire sur le bilan de ce congrès que j’en ai été privé en raison d’obligations professionnelles.

Commençons par ce que les médias ne retiendront pas ou peu : le contenu (on parie ?). Le Parti de Gauche s’est en effet énormément investi dans la préparation programmatique de ce congrès. Avec des résultats excellents puisque la résolution finale est dominée par la nécessité d’une franche rupture avec l’UE actuelle et les traités.

Deuxième, et énorme acquis, l’adoption surprise dimanche matin (48% de votes pour et 43% contre) d’une motion sur l’écosocialisme proposée par le PG et appuyée par Syriza (Grèce), Bloco (Portugal), Alliance rouge-verte (Danemark) et die Linke (Allemagne) unis pour dire que l’écosocialisme est l’avenir de la gauche. (communiqué)

Pour autant la décision de suspendre de façon provisoire notre participation au PGE a été prise. Jusqu’aux municipales très exactement soit 4 mois. C’est en quelque sorte une suspension conservatoire. Je sais qu’elle fait débat même si elle ne constitue pas, à mon sens, la décision la plus importante de ce congrès. En tous cas, elle ne peut constituer une surprise. Le 18 octobre, j’avais fait, au nom du PG, une déclaration à la conférence des Présidents du PGE à Madrid pour dire notre désaccord avec la candidature de Pierre à la présidence du PGE. Devant l’intéressé, j’avais expliqué que dans une période historique qui réclame toujours plus de clarté face à une social-démocratie devenue la voiture-balai du néolibéralisme, il était impossible qu’à la veille d’une confrontation électorale avec elle à l’échelle de l’UE, le PGE se donne pour président un responsable politique défendant l’alliance derrière le PS français aux municipales et plus particulièrement dans la capitale où nul ne pouvait ramener se scrutin à un seul enjeu local. Or rien, depuis, n’est venu transformer la donne. Rien : ni au PGE, ni au niveau national dans le Front de Gauche.

Au PGE, nous avons pourtant tenté un compromis en proposant une coprésidence paritaire qui aurait eu l’avantage de répondre à une exigence exprimée par sa commission féministe depuis longtemps et de pouvoir élire à ce poste une candidate présentant un autre profil vis-à-vis de la social-démocratie. Je précise que cette proposition n’était pas faite pour y installer une co-présidente issue du PG. Cela permettait de sortir par le haut de la situation : on nous a refusé de proposer cet amendement au vote alors même qu’il aurait été vraisemblablement majoritaire au congrès ! Devant le refus qui nous a été opposé, l’issue ne peut–être une surprise pour personne. L’élection de Tsipras, leader de Syriza, un parti qui a justement fait de l’indépendance vis-à-vis de la social-démocratie les raisons de son succès, à la candidature à la présidence de la commission européenne face à Martin Schultz, est une grande et bonne chose. C’est cela la nouvelle importante de ce congrès avec les évolutions programmatiques déjà évoquées. Mais cette candidature qui s’oppose du coup clairement au social-libéralisme est du coup contradictoire avec la réélection de Pierre. Voilà pourquoi notre délégation a choisi de pointer cette contradiction en posant un acte fort même s’il est provisoire et symbolique.

Car au niveau du Front de Gauche non plus les choses n’ont, pour le moment, pas évolué. Là encore nous avons pourtant été clair. Egalement en octobre, j’ai soumis une adresse à nos partenaires au nom de mon parti. L’objectif : que par des actes, même symboliques, le Front de Gauche réaffirme une stratégie nationale pour les municipales. Cette stratégie réclame une concrétisation simple. Elle a d’ailleurs a été mise en pratique à toutes les élections depuis la création du Front de Gauche : c’est l’autonomie vis-à-vis du PS au premier tour pour permettre aux électeurs de trancher entre les deux lignes qui fracturent les forces de gauche. A cela, Pierre Laurent nous a répété ne pas comprendre puisqu’en juin nous lui avions expliqué que nous saurions gérer ensemble, autant que possible, les quelques villes où le PCF partirait derrière le PS. Il a raison : connaissant les contradictions internes à notre principale partenaire et ses statuts qui donnent une large part, y compris en terme de décision stratégique, à ses militants, et élus, locaux, nous savions que nous allions devoir faire avec des exceptions. Mais j’écris bien des exceptions. Cela n’a rien d’une nuance. Des exceptions du type de celles que nous avons su accepter lors des régionales de 2010 (où dans 5 régions sur 22 le PC était parti avec le PS au premier tour). Gérer des exceptions oui mais pas une stratégie différente ! Soit celle géométrie variable défendue depuis la rentrée de septembre par le secrétaire national du PCF lui-même pour le pays et plus particulièrement pour Paris où il a mis tout son poids dans la balance pour que ses camarades votent, de très peu pourtant, le ralliement au PS. Du coup, voilà donc le Front de Gauche seule force d’ampleur nationale à ne pas présenter une stratégie claire à cette première élection nationale depuis l’élection de François Hollande !

Est-ce que la politique du gouvernement aurait évolué positivement pour expliquer pareille remise en cause ? C’est l’inverse : que ce soit sur le budget, la hausse de la TVA, les retraites, sa gestion de la mobilisation des « bonnets rouges », la politique du bouc émissaire de Valls, ce gouvernement poursuit son inflexion à droite. Nos parlementaires s’apprêtent d’ailleurs à rentrer franchement dans l’opposition en votant contre le budget. Le PS aurait-il pris ses distances avec lui ? C’est l’inverse. Jamais il n’y a eu aussi peu de contestation interne à la politique du gouvernement en son sein comme le montrent les votes récents à l’assemblée nationale sur les retraites ou le budget. Et je comptabilise pourtant les abstentions comme signes de cette contestation. Enfin y aurait-il eu la moindre éclaircie dans la social-démocratie européenne ? C’est l’inverse. Certains espéraient une « rébellion » ce week-end des militants du SPD consultés sur l’accord avec la CDU. La réponse (75 % pour la coalition) fait de ceux qui veulent nous persuader de la capacité de changer de l’intérieur les partis sociaux-démocrates de dangereux illusionnistes. Le plus vieux et plus puissant des partis sociaux-démocrates, le SPD, a choisi de participer à une coalition dirigée par Angela Merkel. Désormais gagnée au néolibéralisme, les Partis socialistes choisissent donc l’alliance avec d’autre néolibéraux plutôt qu’avec la gauche. Voilà leur règle : de leur point de vue elle est logique mais les éloigne toujours plus de l’idée que nous nous faisons de la gauche. On comprendra du coup qu’il est plus que jamais nécessaire d’être indépendant et d’établir un rapport de force avec les partis sociaux-démocrates jusqu’à les dépasser.

Voilà pourquoi le débat en cours au sein du FDG, et plus particulièrement au sein du PCF en réalité, ne peut-être contourné en mettant entre parenthèses les Municipales comme on nous y invite. Tout d’abord parce qu’on ne peut disjoindre deux élections si proches sur le calendrier. C’est d’ailleurs ce que nous écrivions dans le texte stratégique du Front de Gauche de janvier 2013. Dans son discours conclusif au PGE, Pierre Laurent n’a d’ailleurs pas manqué de les lier. C’est enfin d’autant moins possible que l’an prochain reviendront, le même jour, d’autres scrutins qui reposeront de nouveaux ces questions : cantonales et régionales. Laisser penser que, désormais, la stratégie électorale pourrait être à géométrie variable est en réalité le moyen de mettre non pas les municipales entre parenthèse mais les Européennes. Tout cela renvoie sur le fond à notre positionnement vis-à-vis du gouvernement et le PS : toute alliance politique avec lui nous assimile, même de façon critique, à sa politique. Nous serons alors châtiés avec lui… Et nous laisserons à la seule droite et extrême droite l’apanage de l’alternative. Or l’objectif du Front de Gauche, sa raison d’être, est de l’empêcher en se mettant en capacité de rassembler une majorité alternative.

Voilà pourquoi je défends plus que jamais la pertinence du Front de Gauche. Je saisis là l’occasion de répondre à un article de Libération paru ce week-end laissant entendre que derrière la suspension provisoire de notre participation au PGE se cacherait en réalité une prise de distance vis à vis du FDG. Comment croire que le Parti cofondateur du Front de Gauche, c’est à dire le rassemblement le plus large possible de l’autre gauche pour renverser le rapport de force vis-à-vis de la social-démocratie, entend prendre ses distances avec lui ? Je suis, au contraire, toujours plus convaincu de cette stratégie comme de la nécessité et l’utilité de présenter des listes FDG aux Européennes pour répondre là aussi à cet article. Mais le Front de gauche est avant tout une stratégie et une ambition bien plus qu’un cartel. Et c’est bien pourquoi nous refusons de l’affaiblir en acceptant une stratégie à géométrie variable : parfois derrière le PS, parfois avec le Front de Gauche. Ce serait rendre illisible ce que nous avons mis cinq ans à construire et nous renvoyer à la marginalité. Dans les faits chacun constatera d’ailleurs que le Parti de Gauche continue à œuvrer au renforcement du FDG. Nous l’avons fait en proposant une marche le 1er décembre couronnée de succès. Nous le faisons en essayant de construire le maximum de listes répondant à sa stratégie, donc autonomes au premier tour des listes gouvernementales, y compris au détriment du nombre de nos têtes de liste. Enfin nous le faisons en mettant en oeuvre, partout où c’est possible, des preuves concrètes d’une majorité alternative. C’est le cas dans les dizaines de municipalités où nous ferons alliance, sur la base du refus de l’austérité, avec des groupes locaux et des militants EELV. C’est aussi ce que j’ai essayé pour ma part de tester lors d’une intervention à la convention nationale sur les Européennes du MRC en proposant d’ouvrir des discussions pour d’éventuelles listes communes pour sortir de l’Europe d’austérité. C’est enfin le même type de proposition que j’ai lancé lors du débat de l’émission Arrêt sur image aux représentants de Nouvelle Donne présents sur le plateau soit Pierre Larrouturou et Bruno Gaccio. (voir : http://www.arretsurimages.net/emissions/2013-12-13/Nouvelle-donne-il-est…) pour les placer devant leurs responsabilités. Avec toujours le même objectif : rassembler le plus largement possible tous ceux qui contestent l’hégémonie sociale-démocrate sur la gauche même si, parfois, on ne croit pas trop à la volonté de nos potentiels partenaires de faire le pas nécessaire. Qu’importe, je maintiens la nécessité d’être unitaire pour deux vu la gravité de la situation.

On n’aura donc compris qu’il n’est pas là question d’un différend personnel avec Pierre Laurent et encore moins d’un clivage avec l’ensemble du PCF où je suis persuadé que de la base au sommet les questions abordées dans cette note se posent. C’est en réalité un débat d’importance sur la stratégie à mettre en œuvre à l’échelle européenne comme nationale, donc un débat noble. Voilà pourquoi nous n’acceptons pas de tourner la page municipale ce qui serait accepter de fait la stratégie à géométrie variable. C’est par la politique que nous sortirons de cette difficulté. Nos partenaires connaissent nos propositions. Elles consistent à réaffirmer l’autonomie comme le cap du FDG pour les élections à venir. Pour les municipales cela consiste, par exemple, à réserver le logo et l’appellation FDG aux listes autonomes, à mettre en place une coordination nationale de campagne des listes conduites par une tête de liste Front de Gauche, à des initiatives centrales de ces listes. Autant de propositions que nous avions faites dans notre adresse. En définitive nous voulons un FDG en cohérence avec la décision de présenter Alexis Tsipras face à Martin Schutz. Je suis convaincu que seule cette cohérence nous permettra d’être compris par tous ceux qui contestent la politique de François Hollande. Cela vaut bien quelques débats et désaccords entre nous car c’est la raison d’être du FDG qui est en jeu. Je suis convaincu que nous avons les moyens de les dépasser.

Mardi 17 Décembre 2013  Eric Coquerel
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