Où je parle de la démission de Valls, des manifestations lycéennes et du mouvement contre la réforme des retraites
Demander la démission d’un ministre d’un gouvernement de gauche est peu banal pour un homme de gauche. Et puis d’abord pourquoi lui, pourquoi Valls ? Après tout comme me l’a suggérée une camarade quand mercredi matin j’ai proposé au Secrétariat national du PG de lancer une campagne sur le mot d’ordre « Valls Démission », pourquoi pas Moscovici ?
C’est vrai pourquoi Valls et pas Moscovici ? Pas seulement parce que ce dernier a déjà été rhabillé pour l’hiver au congrès du PG par mon camarade François Delapierre. Pas seulement parce que la politique d’austérité appliquée avec un soin servile à Bercy serait moins à droite que celle de l’occupant de Bauveau. Non. Tout simplement parce que depuis des mois, Valls franchit une à une les limites de l’insupportable. Non seulement il est un des ministres les plus libéraux du gouvernement mais en concentrant ses attaques sur les plus faibles, en jetant en pâture les Roms à ce qu’il estime être l’opinion publique sur la foi de sondages bidons, il foule en réalité ce qui devrait rester de l’ADN commun de la gauche même en ces temps où la social-démocratie sombre dans le néolibéralisme économique. Je parle là de la fraternité entre les êtres sociaux que nous sommes. Depuis sa prise de fonction, Valls se comporte comme le digne successeur de Guéant : docile avec les puissants, dur avec les faibles. Il aime à médiatiser ses hochements de mentons pour légitimer l’expulsion de pauvres hères interdits de travail en France alors qu’ils sont citoyens européens, il se vante de meilleures statistiques que son prédécesseur en terme d’expulsions de sans-papiers, enfin il tourne le dos aux principes de notre République en stigmatisant une population à partir de présupposées ethniques. Par contre, rien sur la délinquance financière qui ne faiblit pas, rien sur les patrons voyous, rien qui rappelleraient que dans ce pays les citoyens français souffrent davantage des délocalisations que de la présence de quelques milliers de Roms…. C’est pourquoi, apprenant tôt mercredi matin que Valls avait soutenu le préfet du Doubs par un communiqué, j’ai naturellement tweeté en réclamant sa démission avant de proposer un communiqué allant dans le même sens à mon parti. D’un ministre de l’intérieur de droite appliquant sans vergogne la politique du bouc émissaire qui légitime le poison du FN c’est ce que l’on aurait exigé non ? Alors pourquoi ne pas le faire d’un ministre de l’intérieur « socialiste » qui applique aujourd’hui une politique Sarkozyste alors même qu’il a été élu pour faire tout autre chose ? Mais ne vous y trompez pas : exiger la démission de Valls n’est pas propagandiste. Si je ne me fais pas trop d’illusion sur un possible lâchage de François Hollande vis à vis de celui qu’il considère comme une pièce maitresse de son gouvernement, poser cet acte politique c’est du coup le rendre crédible à gauche bien au delà des rangs du Front de Gauche. C’est ne pas se résoudre à l’inacceptable soit un Valls poursuivant sa sale besogne, toujours un peu plus loin… Car les apparences sondagières sont trompeuses : si Valls est pour la droite le plus populaire des ministres du gouvernement Ayrault, il ne l’est pas pour le « peuple de gauche ». Ce peuple qui s’est largement abstenu à Brignoles, désespéré par la politique anti-sociale de ce gouvernement qu’il a contribué à mettre en place avec un bulletin de vote « Hollande ». Mettre la démission de Valls dans le débat public c’est du coup induire qu’elle est possible, c’est mobiliser en sa faveur, c’est ouvrir une brèche dans le gouvernement, c’est susciter le réveil de ceux qui, dans la majorité gouvernementale, acceptent depuis des mois en silence la politique de Hollande mais n’en pense pas moins. Oui il est possible dé déboulonner le symbole Valls ou dumoins suffisamment le faire chanceler pour ouvrir un espoir et propager un antidote à la résignation.
Encore faut-il que ce mot d’ordre devienne une revendication de « masse ». C’est là qu’intervient la jeunesse de ce pays. Ce la fait plusieurs semaines que nous considérons au PG que le réveil peut venir de là. Rien d’étonnant direz-vous, c’est une constante de notre histoire contemporaine lorsque la situation paraît bloquée : la France s’ennuie écrivait un éditorialiste du Monde quelques mois avant Mai 68, c’est la génération « Tapie » disait-on à la rentrée 1986 soit deux mois avant que celle-ci ébranle définitivement le gouvernement Chirac et son ministre Devaquet. Oui la jeunesse est le meilleur antidote à la résignation. Sans doute parce qu’elle n’a pas connu les défaites qui affaiblissent trop souvent l’engagement des générations plus anciennes. C’est justement ce qui s’est passé cette semaine : au moment même où était diffusé ce communiqué du PG appelant à la démission de Valls, 500 lycéens entonnaient spontanément le même slogan devant le rectorat de Paris sous les yeux ravis de la candidate du FDG à la mairie, Danielle Simonnet. Le lendemain rebelote entre Nation et St Augustin, quand 10 000 jeunes ont fait leur les deux autocollants du PG : « pour le retour de Léonarda et Katchik » et « Valls démission ! ». A l’heure où j’écris cette note de blog, dans le ciel entre Paris et Madrid où je me rends pour rejoindre Martine Billard et représenter le PG à la conférence des Présidents du PGE, je ne sais pas encore ce que sera l’ampleur de la manifestation parisienne de ce jour appelée par les lycéens, leurs syndicats mais aussi la FSU, la FCPE et l’UNEF mais je suis certain qu’ils seront encore plus nombreux qu’hier. Et donneront encore un peu plus de crédibilité politique à ce qui est en réalité l’exigence d’une autre politique que l’on pourrait aussi traduire par « Valls dégage ».
Bien sûr les vacances scolaires arrivent mais je ne crois pas que cela efface ce qui se passe. Les lycées se sont mis en mouvement, les facs pourraient suivre, et la politique de Valls, qu’Hollande assume, va inévitablement susciter d’autres injustices car c’est sa nature. Et cette fois cela ne se fera pas en toute impunité à l’exception des réactions salutaires des associations citoyennes, des syndicats enseignants ou du Front de Gauche. Je suis prêt à prendre tous les paris que la jeunesse reprendra la rue avec cette exigence tonnée de plus en plus fort. Le gouvernement a un caillou dans la chaussure, elle lui fait encore seulement mal mais pourrait très vite l’empêcher de marcher : c’est Valls, son maillon faible. Et comptez sur nous pour appuyer là où est ce caillou.
En prenant la rue, en donnant crédibilité à leur première revendication – le retour de leurs camarades – les lycéens n’ouvrent pas seulement la fenêtre en reléguant les discours de haine du FN et de leurs imitateurs au second plan pendant quelques jours, ils montrent que des points peuvent être marqués contre la politique de ce gouvernement ici et maintenant, sans attendre les élections. Ils contribuent à ouvrir une faille dans la majorité gouvernementale qui pourrait devenir un fossé et montrer, mieux que par des mots, qu’il existe une majorité alternative de gauche dans ce pays.
Enfin ils nous donnent l’exemple pour d’autres luttes. Mardi soir j’étais au meeting unitaire contre la réforme des retraites à Nancy. Il est vrai qu’il survenait le lendemain du premier vote à l’assemblée de cette loi régressive mais j’ai quand même été surpris, dans un meeting se voulant de mobilisation, d’entendre plusieurs orateurs avant moi tirer déjà le bilan de la défaite annoncée… Ce n’est pas notre rôle. Les enseignements et conclusions nous les tirerons plus tard. Pour le moment nous devons faire bien la travail jusqu’au bout, ne rien lâcher ce qui, même si au final la loi devait être votée, sera la meilleure façon de préparer d’autres batailles justement. Car cette loi n’est pas encore passée. Elle devrait logiquement être battue au Sénat. Il faut donc tout faire jusque là pour la faire échouer. Pour ma part, je propose que nous organisions la pression sur les 17 députés socialistes et ceux d’EE-LV qui se sont abstenus. Demandons leur d’aller jusqu’au bout de leur logique puisque nous savons que cette abstention vaut en réalité refus de cette loi. Car dans ce cas, avec évidemment le vote contre des députés du FDG, cette réforme ne trouvera pas de majorité (en première lecture, 270 députés ont voté pour alors que la majorité absolue est de 289). Bien sûr le gouvernement pourra utiliser le 49-3 mais les conséquences politiques seraient importantes si, enfin, après l’ANI, le refus de l’amnistie sociale et autres preuves d’une politique de droite, celle sur les retraites ne passait pas. Impossible ? Allez savoir alors que cette loi va revenir en plein débat sur un budget d’austérité qui passe mal c’est le moins que l’on puisse dire. Et allez savoir encore si, d’ici là, les lycéens ne se seront pas multipliés dans toutes les rues de France au nom de la fraternité. Tout se tient… Voilà pourquoi je proposerai au collectif unitaire contre cette réforme que nous répertoriions ces abstentionnistes et que nous leur écrivions publiquement, que nous prenions rendez-vous dans leur permanence pour les mettre face à leurs conviction et responsabilité. Car que tous soient sûrs que nous nous souviendrons du vote de chacun-e à l’avenir.
Oui les lycéens nous indiquent le chemin : la rupture, c’est maintenant.